Résumé:
Les changements climatiques, l’accroissement démographique et la gestion inadaptée de la steppe algérienne constituent un des moteurs de sa dégradation. Le manque de création d’emplois entraîne depuis quelques décennies une pression accrue sur les terres des parcours steppiques. Et de ce fait une partie de la population steppique se tourne vers les activités pour lesquelles les barrières n’existent pas : élever quelques têtes de brebis et cultiver un morceau de terre. D’autre part pour combler le déficit alimentaire du cheptel, les éleveurs et les agro-éleveurs au lieu d’intensifier les cultures fourragères, optent pour les céréales par le défrichement des parcours steppiques qui sont réputés pour être squelettiques et dont les effets sont l’augmentation du risque de la dégradation de leurs terres par érosion éolienne.
Le phénomène de défrichement des parcours steppiques est de plus en plus dangereux, il se traduit par une forte disparition du couvert végétal et une importante érosion du sol, dont la conséquence est une dégradation irréversible de ces espaces. Des études au Sahel ont montré qu’il existe une relation étroite entre la dynamique de la couverture végétale, la dynamique des vents et la dégradation des terres par érosion éolienne.
La région de Laghouat, siège de nos recherches, se situe sur le piémont Sud de l’Atlas Saharien. Elle est caractérisée par une végétation basse, clairsemée et une pluviométrie annuelle de 200 mm. A l’image de la steppe les parcours de la wilaya de Laghouat sont le lieu de défrichements pour la mise en place d’une céréaliculture en pluviale dont la récolte est incertaine, augmentant ainsi le risque de leur dégradation par érosion éolienne. L’objectif principale de cette thèse est de mesurer cette dégradation. Pour atteindre cet objectif, une parcelle de 1.35 ha dans le parcours de Mokrane à Laghouat, a été défrichée et cultivée à l’orge (Hordeum Vulgare) en pluvial. Des capteurs de sables de type BSNE ont été utilisés pour mesurer les flux éoliens en 2009, 2010, et 2011. Une station météo (Campell Scientific) équipée de quatre anémomètres, d’une girouette, d’un pluviomètre et d’un saltiphone a servi à la caractérisation des événements éoliens. Les résultats de mesures montrent que les tempêtes de sable à Laghouat durent parfois plusieurs jours. Les événements érosifs sont quant à eux de durées très variables allant de quelques minutes à plusieurs heures et entrecoupés par des périodes de calme de durées similaires. Les directions des vents érosifs oscillent entre l’ouest et le nord. Les vitesses moyennes du vent pendant la saltation sont comprises entre 6,2 et 7,3 m/s. La vitesse seuil de l’érosion fluctue entre 5,7 m/s et 7,6 m/s et ne montre pas de tendance saisonnière claire. Les bilans de masse mesurés sont généralement négatifs mais peuvent occasionnellement prendre des valeurs positives. Des pertes en terre totales de -155 t/ha ont été mesurées sur une période de 25 mois. Ceci illustre le fort potentiel de dégradation des sols en cas de leur mise en culture pluvial.
D’autre part des relevés de la végétation du parcours de Mokrane ont révélé un taux de recouvrement du sol de 35 % par un groupe de 28 espèces végétales psammophiles. Le taux de couverture du sol par les sables était de 47 %. Le parcours présente un indice moyen de diversité spécifique au alentour de 2.5 et un indice d’équitabilité moyen de 65 %. Des chiffres indicateurs de l’équilibre écologique d’une végétation à faibles indices spécifiques et qui offrent une charge pastorale potentielle de 7.75 ha/ U ovine relativement très basse et indicatrice d’une dégradation du parcours.
Les résultats des études menées dans le cadre de cette thèse dans le parcours de Mokrane incitent à ce que des mesures doivent être prises pour empêcher la perte graduelle, des fonctions de la steppe : i) Economique, support de la production de viande ovine et ii) Stratégique, zone tampon entre le Sahara au sud et la réduite bande agricole du nord du pays.