Résumé:
L’analyse de 30 échantillons de sols sahariens algériens par des techniques sélectives, a permis
d’isoler 73 souches de Streptosporangiaceae à sporanges dont 31 appartiennent au genre
Streptosporangium, 37 à Planomonospora et 5 au genre Planobispora. Sur la base d’une
étude morphologique, les 31 isolats de Streptosporangium ont été classés dans six groupes
morphologiques. Ils ont également fait l’objet d’une étude préliminaire de leurs propriétés
antagonistes. Ces deux dernières études ont permis de sélectionner 3 isolats de Streptosporangium
pour une étude détaillée de leur taxonomie et de leurs antibiotiques. Ces 3 isolats, désignés Sg3,
Sg163 et Sg10 présentent une morphologie différente de celle des espèces de référence de ce genre
et des activités antimicrobiennes intéressantes.
Les études morphologiques et chimiques ont permis de confirmer l’appartenance des isolats au
genre Streptosporangium. La détermination des espèces fut basée sur des critères physiologiques
et moléculaires. La comparaison de leurs caractéristiques physiologiques avec celles des espèces
valides de Streptosporangium ne nous a pas permis de les identifier. L’analyse de la séquence 16S
de l’ADNr de chacun des trois isolats indique des pourcentages de similarité variant entre 96,3
et 98,8 avec les espèces valides de Streptosporangium. Les analyses phylogénétiques indiquent
clairement que chacun des trois isolats se distingue l’un de l’autre et des autres espèces de
Streptosporangium, suggérant la présence de trois nouvelles espèces.
La production d’antibiotiques par les trois isolats est évaluée sur différents milieux de
culture, en utilisant Mucor ramannianus, Saccharomyces cerevisiae, Micrococcus luteus et/ou
Bacillus subtilis comme microorganismes cibles. Les résultats obtenus ont montré que les trois
isolats produisent des activités antifongiques, antibactériennes ou encore antilevuriennes. Cette
production est meilleure dans le milieu ISP2.
Chacun des 3 isolats sécrète entre 4 et 24 antibiotiques, qui se présentent sous forme de
complexes d’antibiotiques chimiquement proches entre eux. Leur localisation par bioautographie
révèle 4 zones actives pour chacun des isolats dont l’une est présente dans la phase aqueuse
pour Sg3 et Sg163. Les fractions actives ont été ensuite purifiées sur plaques épaisses de gel de
silice ou sur colonne de gel de Séphadex LH-20 et par HPLC (colonne C18). Des révélations
chimiques et des études spectroscopiques (UV-visible, infrarouge, masse, 1H et 13C RMN) ont été
réalisées pour les antibiotiques purs et semipurs. Les spectres UV-visible des molécules étudiées
indiquent l’absence de polyènes. Les résultats de ces études indiquent également que nos 3 isolats
produisent des antibiotiques appartenant à différents groupes, notamment ceux des angucyclinones,
des aminosides et des aromatiques glycosylés. Ces molécules, de par leurs caractéristiques physicochimiques
et spectroscopiques, se distinguent nettement de celles décrites dans la littérature.
La caractérisation de huit antibiotiques rouges de l’isolat Sg3 montre qu’ils sont très proches
entre eux et suggère leur appartenance à un même groupe. La structure de l’antibiotique majoritaire
R2.2 a été déterminée. Il s’agit d’une angucyclinone, un groupe d’antibiotiques polykétides
aromatiques proche des anthracyclines et des tétracyclines et caractérisé par une structure de 4
cycles aromatiques accolés d’une manière asymétrique. L’antibiotique R2.2 est différent de toutes
les angucyclinones décrites dans les ouvrages des produits bioactifs et représente une nouvelle
molécule.