Résumé:
L’Algérie est caractérisée, dans la plupart de ses régions, par un climat semi-aride à
aride. Les contraintes du climat, la croissance démographique et les transformations
économiques et sociales sont à l'origine d'une demande en eau sans cesse croissante.
Ces 20 dernières années ont été caractérisées par une longue période de sécheresse qui
est due non seulement à l'alternance habituelle entre périodes sèches et humides mais
également aux phénomènes des changements climatiques. Cette rareté des ressources
en eau en Algérie et leur inégale répartition a eu pour conséquences de graves pénuries
signalées à travers tout le territoire national et qui ont engendré une dégradation de la
qualité de l'eau qui pose des problèmes fréquents et complexes allant de la pollution des
cours d'eau, des nappes phréatiques, des barrages au Nord à la salinisation au Sud.
Les normes d’un développement économique soutenable sont évaluées à 3500m3/ha/an
et en dessous de 1250m3/ha/an, le développement est quasi-impossible avec un seuil de
pauvreté extrême fixé à 500m3/ha/an largement atteint dans la plupart des régions
d’Algérie épuisant les ressources sans qu'elles puissent se reconstituer et la tendance
actuelle est à l'utilisation des réserves fossiles.
Les problèmes de la pénurie des ressources non renouvelables et en particulier celle de
l’eau se posent de façon plus aiguë dans la région des hauts plateaux où les systèmes de
production agro-pastoraux traditionnels associent à une activité d'élevage prédominante
(ovin et caprin), la pratique d'une céréaliculture épisodique (orge et blé) et d'une
agriculture de plus de plus intensive basée sur des cultures maraîchères et arboricoles et
dont l’eau d’irrigation provient essentiellement des nappes phréatiques. L'équilibre est
déjà rompu entre une demande toujours plus grande et une offre arrivée aux limites de
la disponibilité. Cette réalité incite les agriculteurs à préconiser couramment et d’une
façon souvent désordonnée l’utilisation des eaux usées non traitées dont les
conséquences sur la santé sont d’une très grande gravité : maladies à transmission
hydrique (MTH) cycliques.
Face à la rareté et la mauvaise répartition de l'eau, la réutilisation des eaux usées
traitées apparaît comme la solution la plus adaptée.
Dans la Wilaya de Djelfa, région de notre étude, ces ressources non conventionnelles
concernent essentiellement la réutilisation des eaux usées traitées (EUT) pour
l'agriculture irriguée, l’industrie, l’arrosage des plantations forestières et des espaces
verts en milieu urbain.
Depuis quelques années, on s'est aperçu, sous l'effet d’un certain nombre de
paramètres : aléas climatiques, persistance de la sécheresse, nuisances diverses,
nouveaux comportements des ménages (plus de douches et moins de bains), nouveaux
process dans les usines, nouveaux modes d'irrigation (goutte à goutte qui remplace
l'aspersion et l'épandage) qu'il n'est plus possible de continuer à agir sur l'offre pour
anticiper la demande. L'eau n'étant pas une ressource illimitée, il faudra impérativement
inverser la tendance d’une stratégie d’ajustement de l’offre sur la demande de façon à ce
que cette dernière dépende de l’offre tout en veillant à assurer le succès d'autres formes
d'utilisation de ressources non conventionnelles telles l’utilisation des eaux usées traitées
en particulier.
Quelle sera la quantité d’eau nécessaire à l’activité économique de la région et en
particulier à l’agriculture (irrigation et cheptel) pour que les ressources générées puissent
assurer la croissance économique de la zone sans pour autant porter préjudice à son
environnement très sensible c’est à dire préserver les sols et la végétation tout en
assurant le renouvellement de la ressource hydrique.
Cette question appelle d’autres interrogations à savoir :
Dans ce contexte particulier, quel sera le rôle dévolu à l’industrie dans un schéma où
devra primer l’agriculture et l’élevage ovin en particulier ?
A ces questions, un paramètre essentiel est à prendre en considération : l’eau. Quel sera
le volume d’eau nécessaire en quantité et en qualité pour appréhender un
développement socio-économique équilibré de la région en général et des sous régions
potentiellement aptes à intégrer le schéma de développement préconisé par le SNAT
(Schéma National pour l’Aménagement du Territoire) d’une façon globale et le SEPT
(Schéma d'Aménagement des Espaces de Programmation Territoriale) d’une façon
particulière.
C’est dans cette perspective qu'est menée cette étude sur la gestion de l’eau dans la
Wilaya de Djelfa autour d’acteurs locaux représentant les principaux secteurs d’activités
économiques et sociales dans l’optique de l’élaboration de la politique de l’eau de cette
zone aride.
En se basant sur la dialectique offre-demande et sur la base des scénarios projetés, il
ressort que la pénurie apparaîtra dès l'entame de 2020 pour le scénario Moyen avec une
demande de 165,54Hm3/an qui égalise l’offre évaluée à 171Hm3/an et sera totale pour
2030 et ce, quelque que soit le scénario projeté.
Ainsi, en l’état actuel des choses et en attendant la mise en place effective des transferts
prévus par le Plan National de l’Eau (PNE), la réutilisation des EUT est impérative.
Dépendamment du degré de traitement choisi, le volume des EUT variera en fonction des
scénarios et oscillera entre 33Hm3/an à 155Hm3/an.
Un traitement de 30% des eaux usées et pour un scénario moyen fera augmenter le
volume actuel de 40Hm3/an en 2020 et de 66Hm3/an en 2030 ; ceci se traduit par une
augmentation de la masse d'eau disponible qui passe de 128,82 à 168Hm3/an en 2020 et
à 194Hm3/an en 2030. Ces valeurs permettront de passer sans encombre le cap de 2020
où l'apport des transferts d'eau prévus couvrira l'ensemble des besoins quelque que soit
le scénario prévu.
Comme on peut le constater, l'option de la réutilisation des EUT associée à une plus
grande maitrise de gestion des mobilisations et en particulier la diminution des fuites,
constituera une orientation extrêmement positive pour la résolution des problèmes d'eau
de la région.
Ce projet présente une alternative très intéressante à l'utilisation de l'eau souterraine et
contribuera à atténuer sensiblement la pression sur les aquifères de la région qui sont
très déjà très sollicités.
Cette importante masse d’eau usée traitée ira principalement vers l’industrie et
l’agriculture ; pour cette dernière, de très nombreuses études ont démontré qu’une
irrigation adaptée et bien maîtrisée serait tout à fait envisageable, particulièrement dans
ces contrées à index de pénurie important.
Dans le cas particulier de la pollution par le chrome générée par la tannerie de la ville de
Djelfa, il en ressort que l'étude a révélé sa présence en fortes concentrations dans les
sols irrigués par ces eaux et qu'il se concentre surtout dans les 30 premiers cms du
substrat, profondeur courante utilisée par les agriculteurs de la région.
L’application d’une solution complexante entraîne le lessivage du Cr présent dans le sol et
la percolation de l'eau bisdistillée en volume équivalent à la pluviométrie mensuelle
moyenne de la région ont montré qu’il reste toujours un stock de chrome dans le sol
pouvant être mobilisé. La caractéristique de cette mobilisation du Cr combinée à la
nature sablo-limoneuse des sols de la région induisent que le Cr pourrait contribuer à une
pollution des sols agricoles et des faibles ressources en eau.
L'expérience a montré également que le chrome trouvé est d'origine anthropique et
migre rapidement dans la fraction résiduelle R4. La biodisponibilité diminue au cours du
temps et se trouve en relation étroite avec le pH.
Les autres travaux menés dans cette étude montrent que la réutilisation des eaux usées
épurées (irrigation) et des boues biologiques (amendement) en agriculture est d’un
apport appréciable dans l’augmentation des rendements. Les résultats ont fait apparaître
que l'utilisation des EUT et des boues contribue d'une manière significative non
seulement à alléger la pénurie en y apportant un volume conséquent d'eau mais
également en enrichissant le sol en matières fertilisantes induisant d'intéressants
rendements pour les cultures maraichères.
Il en est de même pour les espèces forestières où l'on a obtenu de bons résultats à la
fois morphologiques mais également sur le plan de la résistance des plantes en milieu
aride et semi-aride ; Cette fertilisation a également permis de pallier le manque
d’éléments chimiques essentiels des substrats locaux, et d'envisager l'utilisation des
grandes quantités de boues produites par les stations d’épuration. Les résultats de
l’expérimentation confirment les travaux rapportés en bibliographie où la fertilisation par
les boues biologiques issues de stations d’épuration urbaines a favorisé le rendement de
produits ligneux par le biais de son principal paramètre qu’est la croissance en hauteur
des tiges. Cependant, un certain monitoring de prudence est à envisager en agriculture
où les EUT doivent absolument subir un traitement tertiaire de désinfection et une
stabilisation adéquate des boues. Ces expériences ont montré également que le sol joue
un rôle non négligeable dans l’élimination des polluants par sa fonction de rétention mais
le pouvoir d’adsorption est limité dans le temps au vu de ses caractéristiques
granulométriques (sol sableux). Le danger qui à priori est écarté sera évident par le
relargage des éléments toxiques retenus dans le sol.